19/11/2014

Thunder. Tome 1, Quand la menace gronde / David Khara

J'aurais pu, dû, vous parler de ce livre plus tôt, beaucoup plus tôt. Dès sa parution, en fait. Mais voilà, j'aurais au moins appris une chose. Il ne faut jamais, JAMAIS, laisser un livre sur son bureau quand autour de vous, il n'y a que des lecteurs voraces, prêts à bondir sur le moindre bouquin dont vous leur avez annoncé la parution depuis un moment déjà. Et vous avouerez que ne pas être entouré de lecteurs voraces quand vous bossez en bibliothèque, c'est un tantinet difficile. Je le savais, pourtant, oh oui, je le savais, mais il suffit d'un seul petit moment d'inattention, et c'est déjà trop tard. Car mes chères, mes irremplaçables et adorables collègues de travail (salut les filles ça va ?), ont eu la bonne idée de se passer le premier tome de Thunder entre elles, malgré mes maigres récriminations. Oui, maigres. Je les connais. Elles ont beau être adorables, lorsqu'il s'agit de livres qu'elles veulent lire séance tenante, elles peuvent s'avérer... mordantes, et par conséquent, dissuasives. Oui, je sais, je me donne le beau rôle mais ne vous y trompez pas, je leur en fais baver par bien d'autres aspects dont vous conviendrez qu'il n'est pas utile d'en faire la liste, ici et maintenant. Vous, ce qui vous intéresse c'est que je vous parle du livre, n'est-ce pas ? Alors allons-y !

A la mystérieuse mort de son père, l'une de plus grandes fortunes de la planète, Ilya voit sa vie basculer du tout au tout. Plutôt que de rejoindre son école privée en suisse pour la rentrée, le jeune homme part séance tenante pour Londres afin de vivre avec une grand-mère qui lui est totalement inconnue. En guise de rentrée, le voici donc blackboulé à l'Institut Excelsior où les quelques personnes avec lesquelles il va lier connaissance presque malgré lui vont révéler des facultés pour le moins exceptionnelles.

David Khara fait partie de ces auteurs pour lesquels je lâche tout quand il sort un nouveau bouquin. Pas de fanatisme débridé là-dessous ni d'adoration inquiétante, il se trouve juste que, jusqu'à présent, j'ai toujours grandement apprécié les histoires dans lesquelles il m'a embarqué. Celle-ci ne fait pas exception et le fait qu'il signe là son premier roman à destination de lecteurs plus jeunes n'y change rien. Ça ne doit en tout cas pas être une barrière, bien au contraire. Plusieurs raisons à cette adhésion. La première étant qu'on devine les influences de David Khara à travers l'ensemble de ses ouvrages et, plutôt que de les régurgiter au point d'être trop marquées, trop évidentes, il les fait siennes, les transforme au point de livrer une œuvre singulière et prenante à bien des égards. Il parvient ensuite à camper une ambiance et une situation à l'économie de mots et de menus détails qui savent révéler leur pertinence sur le long terme. Ainsi le sort d'Ilya et de ses comparses, par le mystère qui les entoure, par les péripéties et les obstacles qu'ils sont amenés à rencontrer nous importe vraiment. Sans doute aussi parce que le lien qui les unit, l'amitié naissante que l'on sent naître entre eux malgré leurs différences puise sa source dans l'Histoire et les sombres recherches scientifiques que la seconde guerre mondiale a entraînées dans son sillage. David Khara dresse ainsi une belle passerelle avec sa trilogie Projet – LeProjet Bleiberg, Le Projet Shiro et Le Projet Morgenstern qui l'a révélé au grand public.

 La démarche est d'autant plus habile qu'elle ne gêne à aucun moment la mécanique du récit, mené tambour battant, avec ce qu'il faut d'humour, de gravité, de tension et aussi d'émerveillement à mesure que l'on découvre les capacités du groupe de jeunes et de l'interaction salutaire qu'elles génèrent. Là encore, leurs différences ne sont jamais une barrière et dès lors que les pièces du puzzle s'assemblent les unes après les autres, que les bases de l'histoire s'éclairent enfin, le lecteur, jeune ou moins jeune, est ferré. Il n'aspire qu'à une chose : embrayer avec la suite. Laissons à l'auteur le temps de l'écrire, nous n'en serons à coup sûr que plus surpris encore. Compris les filles?

Thunder, tome 1, Quand la menace gronde, de David Khara, Rageot, 2014, 215p.

03/11/2014

Avertir la Terre. 2, Terre embrasée / Aaron Johnston et Orson Scott Card

Si le premier volume consacré aux origines de la Stratégie Ender, Avertir la Terre, situait pour une grande part son action dans l'espace, avec Terre embrasée, on retrouve cette fois-ci le plancher des vaches.

Victor, jeune homme minier de la ceinture de Kuiper a accompli sa mission. Il a quitté sa famille, effectué un voyage de plusieurs mois dans une navette et prévenu les Terriens de l'arrivée imminente d'extra-terrestres aux intentions clairement hostiles. Malgré les vidéos lui servant de preuve il a cependant bien du mal à se faire entendre, à faire en sorte qu'on le croie. Dans un premier temps, tout le monde soupçonne un canular et nul ne voit un lien de cause à effet entre le brouillage généralisé des communications que rencontre la Terre et le danger qui la guette. Seulement voilà, vient un moment où l'inévitable se produit, où il la réalité s'impose, aussi bouleversante et irrémédiable soit -elle. Les extra-terrestres, les formiques, sont là et ils comptent bien s'installer. Pour combien de temps, on ne sait pas. On ne peut d'ailleurs pas dire qu'ils soient très... loquaces. A vrai dire, ils ont plutôt tendance à trancher dans le vif, au sens propre comme au figuré.

Le rythme est ici identique au premier volume, pas d'essoufflement donc, ni de baisse de régime, seules les situations changent. L'accent est un peu plus porté sur le personnage de Mazer Rackham, à peine esquissé dans Avertir la Terre, ainsi que sur un enfant chinois lequel, ça n'étonnera pas les habitués d'Orson Scott Card, possède une intelligence au-delà de la moyenne.

Et parce qu'il s'agit d'invasion extra-terrestre, je ne peux pas faire autrement que de comparer Terre embrasée à La Guerre des Mondes d'Herbert George Wells et à l'hommage éblouissant que lui a rendu Robert Silverberg dans Le Grand Silence*. Le contexte n'est pas le même, l'époque n'est pas la même – sans parler du style bien sûr, mais Aaron Johnston et Orson Scott Card ont frappé un grand coup pour ce qui est de l'évocation de l'invasion à proprement parler. Pas besoin de sortir les lunettes 3D, vous êtes plongé au cœur des scènes et certaines ont de quoi vous donner des frissons. Le clou est donc un peu plus enfoncé. Arrivé à ce stade, et sachant qu'ils ne pourront pas non plus tirer trop en longueur en raison de l'échéance Ender, j'ai comme l'impression qu'il le sera complètement pour le troisième tome.

Petit mot de la fin à l'attention de ceux qui se sont sentis floués, trahis, trompés ou que sais-je encore à la fin de Retour vers leFutur 2 lorsque étaient apparus les mots A suivre avec ces cruels petits point de suspension sur le grand écran, que vous n'aviez pas les réponses à toutes les questions, que le suspense était insoutenable et que vous ressentiez comme un vide en vous – arrêtez-moi si j'en fais un peu trop, hein –  que... que... que vous saviez en être pour une bonne année, voire plus, de frustration, eh bien sachez que ce ressenti est aussi possible en littérature. Le dernier chapitre de Terre Embrasée en est une preuve édifiante. Quelle fin ! Mais quelle fin !

*Vous conviendrez qu'il est difficile de faire entrer Martiens go home de Fredric Brown dans cette comparaison, même si le livre est réjouissant à bien d'autres égards. 

Terre embrasée de Aaron Johnston et Orson Scott Card, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Florence Bury, éditions de L'Atalante (La Dentelle du Cygne), 2014, 544 p.

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